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Les amphores en Suisse : témoins du commerce antique

Lorsque l’on pense à un objet antique romain, l'un des premiers qui nous vient à l’esprit n’est autre que l’amphore, ce grand vase à deux anses contenant souvent du vin et retrouvé en grande quantité sur les sites romains.

Les amphores sont avant tout de simples emballages bon marché fabriqués durant toute l'Antiquité et dans tout le bassin méditéranéen. Elles sont produites en série et sont reconnaissables par leur forme et leur couleur. Les archéologues les retrouvent entières ou non, selon le contexte. Elles sont importantes dans l’histoire romaine : ce sont les témoins du commerce à travers le monde antique, des différentes relations entre les civilisations, des modes de consommation locaux et même de traditions culturelles.

Amphore du Musée romain d'Avenches
Amphore du Musée romain d'Avenches

Les amphores sont des objets particuliers : leur forme et leur couleur témoignent de la région dans laquelle elles ont été produites. En effet, l’argile utilisée pour créer une amphore varie en fonction des sols. Par exemple, sur la côte tyrrhénienne, l’argile est rouge et contient des sables volcaniques. Dans les environs de Marseille, elle est beige et comporte des paillettes de mica. Quant à sa forme, elle change en fonction de l’atelier dans lequel elle est produite, ainsi que de son contenu : une amphore à huile nécessite un bord épais pour pouvoir verser l’huile tandis qu’une amphore à vin a besoin d’un bord plus fin. De par sa forme et sa couleur, l’amphore est comme une étiquette qui permet de connaître son contenu et sa qualité rien qu'en l’observant que ce soit pour les archéologues ou pour les Anciens.

Exemple de sable volcanique présent dans les amphores de la côte tyrrhénienne
Exemple de sable volcanique présent dans les amphores de la côte tyrrhénienne

Petite histoire des amphores

Le terme « amphore » nous renseigne sur une partie de l'histoire de cet objet. Le mot « amphore » est attesté sur des tablettes en linéaire B (système d’écriture du grec utilisé en Crète, en 1500-1200 avant notre ère) sous la forme amphiroeus ou amphoreus et désigne de grandes jarres possédant deux anses, mais dont le contenu est inconnu. Ce même vocable apparaît par la suite chez Homère qui l’associe au transport du vin. 

Les amphores ont toutefois une existence plus ancienne que les textes grecs. Les premières sont produites en Mésopotamie durant le 3e millénaire avant notre ère et semblent contenir du vin. Celles-ci se répandent ensuite en Syrie et en Egypte, avant d’arriver en Grèce où leur utilité se démocratise. 

Les Romains, s’inspirant des Grecs, reproduisent ces récipients en grande quantité. Un de leurs buts est de pouvoir faire du commerce avec les Celtes qui apprécient particulièrement le vin. Les amphores sont alors produites dans tout le bassin méditerranéen et transportent à travers tout l’Empire les denrées essentielles du monde antique : vin, huile d’olive et sauce de poisson (garum). 

Elles finissent par disparaître vers le 7e-8e siècle : les dernières d’entre elles sont fabriquées en Afrique du Nord et la Conquête musulmane du Magreb marque le dernier pan de leur histoire. En Europe, elles disparaissent avec la fin de l’Empire romain, remplacées peu à peu par les tonneaux en bois.

Les amphores en Suisse

Les amphores apparaissent en Suisse en très faible quantité durant la fin de la République et proviennent majoritairement d’Italie : il s’agit le plus souvent de Dressel 1, un type d’amphore à vin produit abondamment en Italie et imité dans plusieurs régions. L’installation des Romains en Helvétie cause un grand boom dans les exportations d’amphores et plus particulièrement durant le 1er siècle de notre ère. Le marché est alors inondé par les amphores italiennes, gauloises et hispaniques, que l’on retrouve en très grande quantité sur les sites de fouilles. À partir de la moitié du 2e siècle, les amphores africaines viennent se joindre aux premières. Cette arrivée est due à la décision de Septime Sévère de promouvoir sa terre natale et de subvenir au besoin d’huile de l'Empire. 

En plus de témoigner du commerce, les amphores nous renseignent sur les pratiques culinaires : les Helvètes consommaient peu ou pas d’huile d’olive et de sauce de poisson avant l’arrivée des Romains.  Après l’installation de ceux-ci, la cuisine change et s’adapte à ces nouveaux produits, qui sont alors consommés en grande quantité et leurs importations sont plus nombreuses. 

L’amphore est donc un “vase” rempli d’histoire qui témoigne de la culture commerciale antique et, indirectement, des grands changements.

Dessins représentant trois amphores différentes contenant respectivement du vin, de la sauce de poisson et de l'huile d'olive
Dessins représentant trois amphores différentes contenant respectivement du vin, de la sauce de poisson et de l'huile d'olive

Bibliographie

Brun J.-P., Archéologie du vin et de l’huile dans l'Empire romain, 2004.

Castella D., « Territoires et voies de communication », AS 42, 2001, p.32-39.

Felber J.-P., De l'Helvétie romaine à la suisse romande, 2006.

Laubenheimer F., Le temps des amphores en Gaule : vins, huiles et sauces, 1990.

Laubenheimer F., Boire en Gaule : hydromel, vin et bières, 2015.

Tchernia A., Les Romains et le commerce, 2011.


Provenance des images :

Image 3 : Martin-Kilcher S., Die Römischen Amphoren aus Augst und Kaideraugst, ein Beitrag zur römischen Handels- und Kulturgescichte, 2: Die Amphoren für Wein, Fischsauce, Südfruchte (Gruppen 2-24) und Gesamtauswertung (mit einem Beitrag von Markus Schaub), 1994, p. 621 (beilage 7).





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